Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Rrose Selavy est une cousine à moi
4 juin 2015

Une valse à mille temps...

Elle se souvient de cette évidence, quand elle l'a vu, la première fois. Une évidence, une révélation, comme on veut croire à cette prophétie écrite sur un bout de papier froissé, glissé dans un petit gâteau chinois. Une évidence comme si elle le  reconnaissait, lui, vestige d'une vie déjà vécue ou prémice d'un futur déjà écrit. Elle se souvient de leurs premiers échanges, quelques mots maladroits, quelques gestes timides, quelques regards fuyants. Elle ne l'avait pas vu venir. C'était vraiment pas pour elle, tout ça, toutes ces conneries. Elle tomberait pas dans le panneau. L'amour rend idiot qu'elle disait. Et cet air absent, que si le monde s'écroulait autour d'eux, ça ne les atteindrait même pas... Et puis, d'un coup, d'un seul, il est venu, et tout a changé.

Elle n'a plus du tout trouvé ça idiot. Elle se souvient ces minutes qui paraissent des heures quand l'objet du désir n'est pas là, et celles qui paraissent des secondes quand il la serre dans ses bras. Elle se souvient ces nuits d'insomnie. Quand dans la maison, tout est éteint, calme, silencieux, et que dans sa tête à elle, c'est tempête sous un crâne, lumière à tous les étages. Elle se souvient ces baisers-minutes, à essayer de se croiser entre deux bus, ces instants volés à un emploi du temps où dansent les maths, soporifiques, et le français, salvateur. Elle se souvient son coeur qui s'emballe, comme dans une bluette avec Meg Ryan. Mais qu'importe... Elle a accepté les règles du jeu, le ridicule et tout le tralala, les trucs qu'on dit, les promesses éternelles et les déclarations pompeuses. Elle se souvient du désir, les mains qui se cherchent, les corps qui s'apprennent. Elle se souvient les larmes lors des séparations forcées et la joie des retrouvailles. L'angoisse de l'absence. La douleur du manque et l'irrépressible, l'incommensurable besoin de combler ce manque quand la séparation n'est plus, par une présence étouffante, épuisante.

Et puis, ils ont tous leurs théories là-dessus. L'amour dure 3 ans qu'il disait ce publiciste branchouille et camé, dans un roman à deux francs six sous. Il y a ceux qui disent sept ans. Mais elle, elle y croit toujours, malgré cette évidence qui n'en est plus vraiment une. Le petit papier du resto chinois a jauni mais il dort, là, au fond d'un tiroir. Elle l'a gardé comme on garde le ticket de ce concert où l'on s'est embrassé. Plus rien n'existait que ses lèvres sur les tiennes, pas même ton voisin de droite qui te labourait les côtes à coup de pogo. Pourtant elle sait que l'amour est mis à rude épreuve. "Le temps est assassin" mais c'est aussi un sacré pervers, à vous abîmer les sentiments l'air de rien, des petits coups de canif dans un tronc d'arbre, l'usure d'un vers à bois qui fait s'écrouler une charpente si on n'y prend pas gaffe.

Elle sait l'usure de la routine, la fatigue des habitudes. Elle sait l'incompréhension, le choc de deux mondes qui ne se rencontrent jamais, les tensions du travail et l'intendance d'un ménage. Elle sait les disputes du mauvais sommeil et celles du pognon qui se fait la malle. Elle sait les silences où ni l'un ni l'autre ne veut lâcher le morceau, céder du terrain mais juste lâcher les chiens. Elle sait la lassitude entre les paquets de couches et les piles de linge sale. Elle sait les rides au coin des yeux, les questions qu'on se pose et les réponses qui tardent.

Mais l'amour n'est pas un terrain plat d'où l'on pourrait voir l'horizon. C'est des collines, des abîmes, des montagnes, des crevasses. C'est un itinéraire sans carte ni plan. L'amour c'est cette angoisse qui l'étreint quand elle le voit soucieux du travail. C'est ce sentiment de gratitude quand elle le voit sourire, enfin. C'est ces mots doux murmurés entre le bain de l'un et les devoirs de l'autre. C'est ce manque, toujours là, quand le boulot l'emmène loin et qui lui fait se dire que le temps n'use pas tout.

Personne n'a dit que ce serait simple. Personne n'a dit que la route était facile. Tout le monde cherche le bonheur, quelqu'en soit le prix, parfois. Mais si, au final, le plus important, ce n'était pas la destination mais le chemin pour y parvenir...

Publicité
Publicité
Commentaires
E
J'aime! J'aime, j'adore! Ton style d'écriture est attrayant et prenant! On a envie (en tout cas moi) de passer à la ligne suite avant même d'avoir fini la précédente pour en connaître la suite!!!<br /> <br /> <br /> <br /> Tu as un réel talent! Peut être qu'un jour... on aura le privilège d'avoir la dédicace de ton premier roman! <br /> <br /> <br /> <br /> Continue comme ça! C'est parfait ;-)
Rrose Selavy est une cousine à moi
Publicité
Archives
Publicité