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Rrose Selavy est une cousine à moi
5 mars 2015

PS I love you, ma moitié mon contraire...

Les mains dans les poches, des gros godillots et une gueule d'ange, il est assis devant les grilles du lycée. Il accompagne son pote qui, lui, attend sa copine. Un nez retroussé sous un rideau de cheveux, des mains osseuses dans un caban trop grand, elle se glisse parmi le flot des élèves. Il arrive, elle le voit, elle le veut, et ses yeux font le reste. Ca, c'est juste dans la chanson. En vrai, elle le regarde à peine et bredouille un "bonjour" tout juste audible. Si le hasard fait bien les choses, c'est le moment pour Monsieur Hasard de faire son job. Le culot, l'audace, c'est pour celles qui ont les moyens de leurs ambitions. Et puis pourquoi un étudiant s'intéresserait-il à une petite lycéenne rougissante qui ne sait même pas aligner trois mots? Et pourtant...

Et pourtant il aimerait la revoir, seul à seule cette fois. Il a même eu son numéro. Elle croit à une mauvaise blague. Il vient la chercher au lycée, le lendemain; elle dit n'importe quoi. Pourvu que le ridicule ne tue pas sinon elle est morte cent fois sur ce chemin qu'elle arpente chaque jour et qui lui semble soudain si long. Ca n'a pas l'air de le décourager. Il l'intimide, elle se débat, tente de paraître naturelle. La situation lui échappe, les mots lui échappent, même son oeuf-mayonnaise, ce midi-là, sur ses genoux. Du grand n'importe quoi.

Pourquoi on appelle ça un coup de foudre? Ca doit faire mal un coup de foudre. Là c'est autre chose, c'est doux, c'est tendre, on aimerait que ça dure éternellement...

Dix-sept ans ont passé...

Il est le soleil, elle est la lune. Quand il brille, elle s'éclipse. Ils ne se sont pas concertés; ça s'est fait tout seul, c'est tacite... Il lui a déjà dit de ne pas le faire, de sortir de l'ombre. Elle n'y peut rien, elle a bien essayé de lutter, en vain...

Ils s'aiment, ils sont différents, contraires... Il est carré, elle est brouillon. Il se rassemble, elle s'éparpille. Il range, elle dérange. Il construit, elle papillonne. Elle s'effondre, il la retient. Il vacille, elle a les yeux ailleurs.

Ils s'aiment comme ce petit poisson et ce petit oiseau, comme dans la chanson. Elle aussi, elle a bien essayé de changer ses écailles en plumes, peine perdue. Il l'aime telle qu'elle est. Ho bien sûr ces choses qu'il adore chez elle aujourd'hui le mettront hors de lui demain. Elle a les défaut de ses qualités. Mais c'est ainsi que va le monde, son monde à elle, et il est immuable, pour ainsi dire.

Ils s'aiment. Ils ne savent pas toujours très bien se le montrer, tout juste quelques fois, un regard, un geste... Elle retient les éclats de voix, elle oublie le reste. Il retient ses maladresses, il oublie qu'elle fait de son mieux. Il a l'air d'un roc mais elle seule sait ce qu'il en est. Elle a l'air hésitante, or c'est elle la plus têtue. Et c'est de ça dont elle avait envie, c'est de lui qu'elle avait envie, pas d'un autre. De ce type aussi droit qu'elle est sinueuse, de ce mec aussi logique qu'elle est décousue, de cet amoureux maladroit si avare de mots mais dont les silences en disent mille fois plus.

On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans, dix-sept ans d'amour et plus encore devant, on n'est pas sérieux, on est juste fou...

 

 

(texte publié et écrit en mars 2014 mais effacé par erreur...)

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